Introduction

Le 27 juin dernier, le Social/LAB/ Rive Droite embarquait cinq créatrices et créateurs d’activité pour une journée d’échanges au CAPEE de Poitiers. Objectif : apprendre à présenter son projet à un financeur. Récit…


Le pitch, késako ?

Pitcher, c’est présenter son projet en cinq minutes chrono. Se raconter, raconter son parcours, l’origine de l’idée, décrire les moyens mis en œuvre pour la concrétiser et, enfin, exprimer son besoin de financement, les raisons qui le motivent et son usage futur. L’exercice est considéré comme difficile. La rencontre avec le banquier est pourtant l’une des étapes clés de la création ou du développement d’une entreprise mais elle est souvent mal appréhendée par le porteur du projet. Il s’agit ici de susciter l’intérêt puis l’adhésion de son interlocuteur afin de le convaincre de participer à l’essor de l’entreprise naissante.

Arrivés en début de matinée à Poitiers, nous nous dirigeons vers les locaux du  Comité des Alternatives Poitevines pour l’Emploi et l’Entraide (CAPEE) qui nous reçoit aujourd’hui. Ce lieu à usages multiples héberge les autres activités de l’association : un restaurant d’insertion, une laverie-blanchisserie ainsi qu’une boutique textile solidaire. Nous sommes accueillis par Jean-Charles Ghiringhelli, conseiller création d’entreprises et chef de projet CitésLab, l’équivalent poitevin de notre Ebène Hamès à nous. Dans le même temps, les entrepreneurs de la Rive Droite font la connaissance de leurs homologues de Poitiers. La brève prise de contact achevée, les tasses de cafés vidées (nous en avions bien besoin), il est temps de nous mettre au boulot.


Coaching et solidarité


La première session de la journée voit intervenir Cécile Speich ( Plotfox production ), consultante en communication, qui va entraîner les candidats au pitch en les aidant à mieux structurer leur discours, en corrigeant leurs attitudes, postures et gestes de manière à les rendre plus pertinents et efficaces. Impliquant tous les autres participants dans un travail collectif d’amélioration, elle parvient de fait à créer un climat de solidarité bienveillante dans le groupe et chacun y va de ses remarques, conseils et encouragements après chaque présentation. En ce qui nous concerne, l’exercice nous permet également de découvrir les projets de chacun, souvent singuliers et originaux.


La coach et les coachs

La coach Cécile Speich et ses "élèves" d'un jour


Billal a créé Clean Vap', une entreprise de nettoyage automobile à domicile ; Sabah et Houyanne développent petit à petit Féérie & Elegance, leur société de traiteur et décoration d'événements ; Marie-Josée a créé une marque de vêtements adaptés aux personnes âgées dépendantes ; Céline éduque les animaux, les chiens en particuliers, selon une méthode douce ; Laureen fabrique des vêtements de sirène ; Gulnara est pâtissière artistique ; Nongma est sculpteur sur bronze et Lor-Riana, traiteur, veut ouvrir un restaurant guyanais. On le voit, les profils sont comme les projets, divers et créatifs.


Après une pause déjeuner savourée dans l'excellent restaurant d'insertion qui jouxte les locaux du CAPEE, place au moment fort de la journée avec le « concours de pitch » en lui-même. Il sera donc question au cours de cet après midi de présenter son projet de développement d'entreprise à un jury composé de professionnel de l'accompagnement ou du financement entrepreneurial. Chaque candidat est libre sur la forme mais contraint par le temps, 5 minutes de pitch et 5 minutes de questions du jury.


C'est Billal, le benjamin de la journée, qui s'y colle le premier, décrivant son parcours qui le mène des petits boulots dans le garage paternel à la découverte d'un procédé de nettoyage par vapeur innovant, portable et économe puis à ses premiers pas d'entrepreneur, ses premiers clients, vendeurs de voitures et particuliers, son plan de développement et ce qu'il compte financer avec les fonds qu'il recherche. Le moins qu'on puisse dire c'est que le garçon est carré dans sa tête et ne manque pas d'ambition du haut de ses dix-neuf ans. Ca commence fort !


Premier constat : la séance de coaching du matin porte déjà ses fruits. Le discours est plus construit, centré sur l'essentiel. Il combine l'histoire du projet et des éléments plus factuels justifiant la demande de financement. Les candidats se succèdent, déroulant des argumentaires repensés à la lumière des commentaires du matin et longuement discutés entre amis à la pause déjeuner.

Au terme des pitchs et des séances de question, le jury s'enferme pour débriefer et délibérer. Les mines sont sérieuses, conscientes de l'enjeu : des dotations financières pour les deux premiers de chaque équipe, et une mise en avant des porteurs dans les différents supports de communication de chacune des structures. Chaque point est âprement discuté au regard des éléments priorisés par les membres du jury. Le banquier veut un business plan clair, la directrice de Chambre de commerce insiste sur la cohérence du projet, l'animateur de structure d'accompagnement tient d'avantage compte des qualités humaines, chacun éclaire l'autre de son regard et, petit à petit, un consensus se fait sur les entreprises à encourager.


Un palmarès d'or et d'argent

Première élue et dotée d'un prix de 1000 euros, Gulnara Akhmedova et son Rêve Sucré, pâtisserie artistique, primée pour la qualité des prestations et la cohérence du projet de développement. Obstinée et modeste, Gulnara, après avoir consacré des années à acquérir compétences et diplômes en pâtisserie, envisage un développement maîtrisé. Acquisition de matériel professionnel, d'un véhicule, avec le rêve de pourvoir un jour avoir pignon sur rue et sa propre boutique.

Gulvana Akhmedova

Gulnara Akhmedova, Le Rêve sucré


Ex-Aequo et lui aussi doté de 1000 euros, le jeune Billal. A 19 ans à peine, Billal a sû démontrer la cohérence de son projet entrepreneurial et a suscité l'enthousiasme du jury. Aussi volontaire que modeste, réaliste et pourtant ambitieux, il souhaite dans un premier temps stabiliser son activité, acheter une laveuse à vapeur pour remplacer celle, prêtée, qu'il utilise et envisage même un second achat afin de pouvoir bientôt recruter un collaborateur. Comme l'a dit l'un des membres du jury, banquier de métier : « Lui, je signe de suite ! ».

Billal

Billal Guelloun, Clean Vap'


Le premier pitch d'argent a été décerné à Marie-José Diantété, créatrice de la marque Marie Ange et Flory, qui propose des prestations d'adaptation de vêtements aux personnes âgées dépendantes ainsi qu'une collection de vêtement adaptés en prêt à porter. Ancienne couturière et aide-soignante, Marie-José a créé sa marque après avoir remarqué l'absence de produits de qualité destinés aux anciens hébergés en maisons de retraite. Ses produits pallient ce manque, proposant une mode à la fois élégante et valorisante pour celles et ceux qui la portent et pratique pour les aidants ou des familles qui ont le soin de préserver la dignité et la confiance des anciens dont ils s'occupent. Le montant du prix lui sera fort utile pour préparer le défilé de lancement de sa première collection qui se tiendra à l'automne, dans le foyer du Rocher de Palmer, la grande salle de spectacle de la Rive Droite bordelaise.

Marie-Jose Diantepe

Marie-José Diantépé , Marie Ange & Flory


Last but not least, vient le tour des Créatures de Lau, la micro entreprise créée par Laureen Delhomme. Cette ancienne costumière de spectacle s'est lancée dans la production de costumes de sirène pour les humains de tous sexes et pour les poupées. A la grande surprise du jury, elle a sû démontrer l'existence d'un marché pour de tels produits. Le « mermaiding », dit-elle, est une activité en vogue qui compte de plus en plus de pratiquants, professionnels ou amateurs, désireux de trouver costume à leur convenance. Fort active dans les communautés en ligne de sirènes, Laureen est en passe de devenir une référence dans ce domaine et compte tirer profit de son expérience. Comme elle le dit elle-même en préambule de son pitch : « Avez vous déjà eu envie de réaliser votre plus grand rêve ? Moi, je l'ai fait »


Laurreen

Laureen Delhomme, Les créatures de Lau


Du textile à l'auto, du sucre aux sirènes, on voit que les secteurs explorés par ces jeunes créateurs sont variés et originaux. Le palmarès récompense avant tout la qualité du pitch avant celle du projet. Mais c'était précisément l'objet de la journée. Nul doute qu'en débriefant, les organisateurs sauront tirer les leçons de l'exercice et renouvelleront l'expérience et ouvrant les jugements à des critères plus variés. C'est en tout cas que qu'il nous a été rapporté par plusieurs des intervenants à l'issue de la cérémonie de remise des prix qui a conclu la journée... Avant un retour tardif sur Cenon, moment final d'une journée dense et fructueuse, pour toutes et tous.


Les laurats et le jury

Les lauréats et le jury



Les crateursLes entrepreneurs "pitcheurs" et leurs accompagnateurs Ebène Hamès (Pull rayé) et Jean Charles Ghiringhelli (en haut à gauche)