Présentation

"Un Fleuve" est un film réalisé par Justine Adenis, vidéaste, en 2015.

"Un fleuve , examen minutieux d'une tranche de fleuve de l'île d'Arcins à Bassens.

Examen physique, historique et polétique. Partie de ping-pong entre les deux rives.

Qui va occuper le territoire qu'est le fleuve, rive droite ou rive gauche ? Je ne prononce pas, je plonge."


Justine et son fleuve


Quelques réponses à beaucoup de questions


Perception de la Garonne avec de l'inquiétude et de l'évitement ou de l'ignorance totale

"J'ai vécu une 1ère vie à Bordeaux, petite, de 8 à 16 ans, rue de la Rousselle, derrière les quais, en bas du cours Victor Hugo.

Patins à roulette sur les quais, débuts des rollers, sur les pavés et les rails sous les grues. Souvenirs d'expéditions pour aller jusqu'au Conforama avec ma mère à la Bastide.

Souvenirs de retours en bus de l'école St-Marie, le 4, avec la responsabilité de mes sœurs, avec peur à la vue des tourbillons aux pieds des piles du pont de pierre : « Si jamais on tombait dans l'eau... ».

Durant mes études, fin années 80, film sur les quais : « Lettre à Marie-Josée », impression de non-vie, de non-passage de l'autre côté.

Goût de la déambulation dans lieux désaffectés, un peu délabrés, apparitions inattendues... Goût des déambulations dans les chantiers en cours de mes parents architectes. Deviner les espaces et surgissements de tubes et de fils, boyaux des maisons.

Goût de l'eau, de sa vue et d'être dedans. Longues périodes d'été sur les bords de la Méditérranée au sud de l'Espagne. Se laisser porter par l'eau, pendant des heures, jouer, surfer les petites vagues de la Méditerranée comme simulacre d'entraînement pour les grandes de l'Atlantique, au Porge."


Parcours artistique

"Je suis vidéaste.

J'ai fait l'école des Beaux-Arts de Bordeaux pour mon 2ème cycle, en option Communication visuelle et audio-visuelle ; diplôme en 1990 avec les félicitations du jury... J'avais fait mon 1er cycle aux Arts Décoratifs de Limoges.

Réalisation de films depuis l'âge de 17 ans, fictions avec amis, adaptation de poèmes et films parodiques pour événements familiaux.

Beaucoup de projets mis de côté durant les années d'éducation des enfants.

Reprise avec « Un fleuve ». Il porte beaucoup de réflexions et recherches de ces années.

En même temps, j'ai fait de nombreuses réalisations avec enfants des écoles et en périscolaire, collèges et lycées (environ 150 réalisations pour la Ville de Lormont). Grande liberté d'essais et de trouvailles mais peu de reconnaissance.

Beaucoup de films sur l'art et les artistes, dans le cadre des expositions du Château Génicart à Lormont (de 1993 à 2001), apprentissage continu pour moi.

Films institutionnels pour la Ville, c'est un langage nouveau pour moi qui s'éloigne de la poésie. J'essaie cependant de toujours y tendre même dans ces réalisations.

Libération technique avec le matériel numérique, à partir de 2004 avec la Ville de Lormont. Toujours des réalisations avec enfants, artistes et patrimoine ville et évènements culturels Ville.

Je n'ai jamais fait de film en pellicule, toujours sur bande magnétique avec signal vidéo. J'ai beaucoup subi sur mes réalisations l'horreur de la dégradation technique du résultat final.

Tout cela a changé avec le numérique qui dégage beaucoup des contraintes techniques et financières.

Cela m'a facilité la reprise de projets plus personnels par l'acquisition de matériel fiable de réalisation."


Projection Un Fleuve 2015


Génèse du projet

"Panoramas 2012, appel à projet, thématique de la « porosité/ frontières » Je réfléchis sur la question des deux rives, sur l'idée de la porosité entre les territoires aquatiques et terrestres. Envie de décrire la vie de chaque côtés des rives, de manière à la fois historique et sociologique, et faire des images non-cartes postales du fleuve et de Bordeaux.

Projet non-retenu en avril 2012 et remisé dans un carton bien que le désir de réalisation soit là. Mais la vie normale reprend, et sans échéance précise rien n'avance.

Durement malade durant plusieurs mois, décision de changer ma manière de travailler et donner plus de place aux projets artistiques « personnels ».

Fin 2013, Christophe Massé me fait une proposition de diffusion à Sous la Tente .

Voilà une échéance et c'est parti. Mise à plat de l'existant, écriture du déroulé du film et du texte, en parallèle avec de nouvelles prises de vue et de créations d'images d'animation."


Composition images film : archives, photos, dessins,...

Pour moi, le principe de mélange d'image de différentes sources ou supports, a toujours existé. Je ne m'interdis aucun support, aucun outil, aucun mode de récit différents les uns des autres, du moment qu'ils permettent de transmettre l'idée que je porte. Un film comme « Les Glaneurs et la glaneuse » d'Agnès Varda est un plaisir et un modèle pour moi.

Il y a des prises de vue vidéo anciennes de 3 ou 4 ans, faites sans idée précise lors de promenades familiales comme j'ai toujours fait. Photos de la même manière.

J'ai utilisé les livres de peintures et dessins comme des prises de vues du passé. J'ai tenté de trouver des représentations qui correspondaient à l'idée assez générale que je m'en faisais sans vouloir illustrer exactement le propos. Je connaissais ces peintures et ces dessins comme ceux de Van der Hem que je trouve très beaux, simples. C'était aussi un plaisir pour moi de pouvoir m'approprier un peu ces dessins. Mais bien sûr, en montrant en même temps qu'ils sortaient d'un livre et en aucun cas, je n'ai essayé de masquer leur source. Pour moi, cela fait partie d'un travail sur l'idée de littéralité et de monstration du dispositif de création d'image.

J'ai aussi joué sur toutes les possibilités que j'avais de créer des images, et sur les différentes manières de filmer : caméra à l'épaule-subjective, caméra surveillance-neutre ou caméra pseudo-documentaire. J'ai aussi créé des images en 3D, très sommaires bien-sûr, c'est la 1ère fois que j'en faisais et puis j'aime bien que ça garde un côté bricolo, fait à la main. C'est la présence du possible ratage et de l'effort.

J'ai fait une partie en animation image par image, j'ai dessiné grâce à une chambre claire sur la partie concernant la façade 18ème de Bordeaux qui correspond aussi au moment où cet outil a été utilisé, notamment par Drouyn pour ses dessins de Bordeaux et des églises alentours.

J'ai utilisé un sténopé pour faire des photos du pont de chemin de fer et des photos classiques.

J'ai utilisé une affiche sur laquelle je dessine et que je mets en boule. Je ne crois pas que cela soit vraiment compréhensible directement, mais c'était pour moi comme un morceau de photo satellite utilisé par Google Earth. C'est pour cela que je le fais dans un espace neutre, un peu comme, si on enlevait les images de Google, nous serions dans le néant. Bon, je ne pense pas que l'on voie ça... mais je le voulais. C'est un peu raté là, tu vois.

C'était aussi pour mettre en avant l'idée que l'on peut se débarrasser de cette invasion d'image et de bien pensance, sur la meilleur connaissance du monde et des autres, sur le lien social saucissonnant, littéralement à l'image.

Après, j'ai fait beaucoup de collages de plusieurs images dans le même cadre et parfois, comme pour les images sur les ponts, ce n'est pas évident de se rendre compte si il s'agit d'une seule image ou si c'est composé de plusieurs."


Un fleuve - photogramme


Quelle durée de travail

"À partir de l'écriture du texte complet et le montage final, il s'est passé 8 mois, de novembre 2013 à juin 2014.

Mais j'avais donc déjà travaillé sur les idées en 2012 pour répondre à PanOramas et j'ai des prises de vues qui datent de 2010, comme ma traversée à la nage du fleuve et un peu avant même avec le chantier sur le pont Chaban.

On peut dire que cela a mariné 3, 4 ans dans ma tête avant de trouver un port...

Et, pour moi, c'est aussi une façon de tourner plusieurs pages de ma vie. Ce film contient beaucoup de couches de vies différentes que j'ai vécues.

Je suis maintenant dans une autre démarche, sur une réflexion plus directe sur la société et sûrement plus directement politique aussi."


Réception des spectateurs/riverains

"Variées : des déçus de la carte postale qui ne reconnaissent pas leur fleuve et sa douce lumière ocre au couché du soleil ou qui ne voient pas suffisamment la magnifique façade 18ème de Bordeaux.

Et ceux qui justement, n'avaient pas vu le fleuve comme cela et ne connaissaient pas certains coins ou n'avaient pas eu l'idée d'y faire un tour.

J'ai aimé que l'on me dise que l'on avait perçu la présence physique du fleuve (pour moi c'est carrément sensuel).

Les historiens ont complété ou commenté mes informations, les plasticiens ont remarqué certaines compositions, les poètes ont entendu des échos de vers, les marins ont suivi le courant.

Beaucoup de remarques sur mon débit rapide mais je pense qu'il correspond à l'idée de flux, d'urgence et de grande quantité de choses que je voulais dire."


Mon regard actuel sur la Garonne, quelle perception actuelle ?

"Cela s'atténue un peu maintenant, mais j'ai passé des mois à me dire à chaque fois que je la voyait : ça, je ne l'ai pas, pas comme ça ! Il faut que je m'arrête, que je la photographie, que je la filme ! Cette lumière, je ne l'ai pas, ce mouvement je ne l'ai pas !

C'était obsessionnel. À tel point que j'ai changé de trajet pour me rendre à mon travail pour ne pas passer 2 fois par jour devant...

Plus tous les gens qui me disaient : tiens, t'as vu, la Garonne aujourd'hui, y'a eu ça ou ça.

Tu l'as pas filmé ? Mais, comment ? Tu fais quoi, alors ?!!!

Maintenant, je suis moins accro et j'ai même refait quelques prises de vues, en allant chez le dentiste, des dernières grandes marées de février. Sans douleur." 



Un fleuve from Justine Adenis on Vimeo .