Yarn Bombing au Bois Fleuri 1

Un groupes d’habitantes de Bois Fleuri à Lormont habille les arbres de la friche, en attentant les constructions.  

Yarn bombing ! 

N’appelez pas les démineurs, ni le GIGN, le yarn bombing est une activité tout ce qu’il y a de plus pacifique et indolore. Il s’agit tout simplement de décorer l’espace public à coups d’aiguilles à tricoter. Ainsi, arbres, bornes d’incendie, feux tricolores, poteaux et potelets s’habillent de laine colorée au gré de l’inspiration de leurs habilleuses. Au plus risque-t-on de se blesser avec une aiguille mais rien de plus. On l’aura compris, le Yarn Bombing est avant toute chose une démarche de réappropriation de l’espace public par celles et ceux qui l’habitent ou le traversent ; l’occasion d’insuffler un peu d’humour et d’humanité dans des lieux où la technique urbaine, si élégante et design soit elle, prend souvent le pas sur le sensible. 

Rendez-vous est pris avec Emilie Darroux, l’indispensable médiatrice de la Maison du projet du Bois Fleuri, sise avenue de la Libération à Lormont, pour rencontrer les pratiquantes lormontaises de la discipline. Il est un peu plus de 14 heures et ces dames, auxquelles s’est adjoint Julien, salarié de la Régie de quartier, sont déjà au boulot.

Yarn Bombing au Bois Fleuri 1

La mission du jour consiste à coudre sur un arbre brodé des dizaines de petites feuilles de tissu, découpées par les habitants du quartier lors d’une récente action collective. Et ça va vite. Les tricoteuses sont expertes et alignent les points comme moi les lieux communs. Julien a un peu plus de mal, il débute. Quand à moi, j’argue de l’absence de place autour de la grande table pour échapper au bizutage. La toile sera ensuite doublée et matelassée, à la manière d’un kilt américain et, une fois achevée, fera le tour des structures du quartier pour une expo itinérante. Mais ce n’est là qu’un des aspects les plus discrets des activités de ces « hackeuses de l’espace public ». Plus remarquable fut l’habillage de l’arbre emblématique de la friche du Bois Fleuri. Un Sophora Japonica (sous réserve de confirmation par un botaniste expert) qui trône au milieu de l’espace désert qu’occupaient autrefois les trois tours de Génicart III, démolies depuis. Ne restait plus de l’ancien quartier cet arbre à la ramure abîmée, un peu perdu au milieu de son grand terrain désert, dernier témoin d’un passé égaré entre passé idéalisé, oubli et rêves de lendemains qui chantent. A l’initiative de Monique, membre fondatrice de la Tricoterie de Bois Fleuri (c’est ainsi qu’elles se sont baptisées), des chutes de laine à tricoter ont été collectées par Emilie et mises à la disposition des tricoteuses qui ont sorti les aiguilles et fabriqué à l’arbre un joli pullover bariolé du meilleur effet. Le Sophora, désormais entouré de jardinières installées par les habitants, est devenu l’emblème du quartier, tout élégant qu’il est dans son joli chandail qui lui tiendra encore chaud cet hiver. On raconte que certains voisins passent chaque matin près de l’arbre vêtu et le saluent d’une caresse ou d’un discret bonjour.

Bientôt, les travaux d’aménagement et de construction du nouveau quartier de Bois Fleuri débuteront et l’arbre sera probablement coupé pour faire place aux engins. Conscients de l’attachement des habitants à leur nouveau totem, les opérateurs à l’oeuvre sur le chantier envisagent de faire intervenir un artiste qui trouvera un nouveau destin à son bois (à suivre).

Mais après ce succès, les tricoteuses n’ont pas déposé les armes et se sont attaquées à l’habillage de trois autres spécimens situés entre la cité et la médiathèque. C’est cette même médiathèque qu’elles viennent d’envahir afin d’habiller pour l’hiver l’arbre du patio, qui devient ainsi la cinquième heureuse « victime » de leur démarche. Si comme moi vous vous êtes attachés à ces dames et à leur drôles de passion, ne vous inquiétez pas, maintenant que je les connais, je ne vais pas les lâcher…

Yarn Bombing au Bois Fleuri 3

Un grand merci à Patricia, Ghislaine, Josette, Monique, Bernadette, Jasmine, Marie-Sophie, Marie Claude et Ginette, ainsi qu’à Emilie Darroux, de la Maison du Projet de Bois fleuri, pour son accueil, ses patientes explications et sa photo.

Note

Cet article a originellement été publié sur le Blog Rive Droite le 10 décembre 2013