Social Lab  Rencontre autour des industries graphiques


Les rendez-vous du Social Lab

Un vendredi par mois, le Quartier Général du Social Lab, à Bassens,  s'ouvre au public pour des rencontres thématiques autour des métiers, des entreprises innovantes ou des nouvelles formes d'entrepreunariat. Il s'agit, pour des créatrices et des créateurs d'activités économiques, de venir à la rencontre des habitants du territoire de la Rive Droite.


Ce 27 mai, une heureuse fenêtre de beau temps dans un printemps pluvieux a donc réuni une dizaine de personnes sur la pelouse du domaine de Séguinaud, à Bassens, sur le thème des industries graphiques. Sur le grill, deux professionnels des métiers de l'imprimerie, Rebecca Naulet et Christophe Lairat.


Rebecca Naulet / Atelier Bulk

Rebecca Naulet a 20 ans. Passionnée par l'écrit et la chose imprimée. Etudiante en licence professionnelle, elle travaille en alternance dans une jeune entreprise de l'agglomération bordelaise qui fait pas mal parler d'elle : l'Atelier Bulk. Cette imprimerie créée par Yan Cloutier, imprimeur formé au Lycée des Iris, à Lormont et Florent Larronde, photographe et graphiste, s'est spécialisée dans l'impression haut de gamme. Elle offre un terrain de formation idéal à notre jeune étudiante dans la mesure où cette dernière peut s'y familiariser avec les outils traditionnels de l'imprimerie, comme ces spectaculaires presses Heidelberg, aussi bien qu'avec des outils plus contemporains tels que la découpe laser.


Social Lab  Rencontre autour des industries graphiques


Son job ? «  Bras droit de Yann Cloutier ». A ce titre, elle est régulièrement en contact avec les clients et fournisseurs, relaye les demandes des premiers vers l'atelier, passe commande aux seconds de papiers et encres nécessaires aux fabrication et assure une bonne transmission des informations. Elle précise d'ailleurs que ce rôle d'interface et l'une des gageures de son métier, en ce qu' elle fait dialoguer deux parties qui ont (c'est d'ailleurs devenu un lieu commun dans les métiers de l'imprimé) souvent du mal à s'entendre.


De sa formation au Lycée des Iris, elle vante l'attention portée aux étudiants par les enseignants qui accompagnent leurs élèves dans leur recherches d'entreprises. Elle vante aussi la qualité des enseignements et celle des matériels mis à leur disposition. Un regret ? Selon elle, le métier est encore trop perçu comme masculin. La faute peut-être à la force physique exigée autrefois par la manutention des rouleaux de papier et autres presses. Mais le métier a bien changé, plus besoin d'être un gros costaud pour être imprimeur. Les femmes ont ici de beaux atouts à faire valoir.


Son avenir, elle l'imagine toujours dans l'imprimerie, avec une petite préférence pour des prestations haut de gamme comme celles proposées par Bulk. La création d'entreprise ? « Pas pour moi », répond-elle ; un peu effrayée par les responsabilités qui pèsent sur les épaules de son patron.


Passons maintenant à Christophe Lairat, le local de l'étape, Christophe Lairat, patron de Pixagram.

Christophe Lairat / Pixagram

Jeune quinquagénaire, Christophe Lairat, commercial de formation s'est lancé dans l'imprimerie un peu par hasard « j'avais un ami dont le père était imprimeur... ». Après avoir travaillé pour l'imprimerie La Nef, il a ensuite rejoint une entreprise de huit personnes, toujours en tant que salarié. C'est après avoir compris que ses possibilités d'évolution professionnelles seraient limitées dans le cadre d'une entreprise vouée à une transmission familiale qu'il a pris la décision de se lancer dans l'entrepreneuriat.

Social Lab  Rencontre autour des industries graphiques

Pixagram est née en 2004 et en duo, Christophe Lairat s 'étant associé à un graphiste pour créer sa première boîte. L'imprimerie s'équipe des premières machines numériques qui ressemblent d'avantage à de gros photocopieurs qu'à des rotatives. Le local est petit, 65 m2. On y reçoit les clients, on y fait la conception, les montages et l'impression. Petit à petit, l'impression numérique trouve son marché et l'entreprise sa clientèle. Christophe se rappelle les angoisses qui saisirent le duo de jeunes patrons lors de leur premier recrutement : « serions-nous capables de pérenniser cet emploi ? Et pourtant, malgré les craintes, ça marche.


Passées ces premières années, vient les temps de l'investissement. Par chance, l'un des fournisseurs de Pixagram, une imprimerie Offset, cherche un repreneur. L'affaire se conclut et l'atelier d'impression s'agrandit, passant des 65 m2 des premiers temps à 500 m2 ; de 3 à 8 salariés.


Christophe Lairat avoue avoir appris le métier de patron sur le tas, jour après jour, problème après problème. Ce patron d'un nouveau genre dit toutefois être guidé par un ensemble de valeurs fortes qu'il a transmises à son entreprise, forgeant ainsi sa culture.


Le patron lormontais a rejoint le réseau des « Entreprises  humaines » où se développe une vision de l'entreprise qui place les hommes au centre de ses préoccupations, implique les salaries dans la prise des décisions et partage équitablement ses bénéfices. Recrutement paritaire (4 femmes, 4 hommes) et local, management collégial, travail sur la formation des salariés, rien n'est oublié dans cette culture d'entreprise d'un nouveau genre, pas même la gestion des déplacements qui lui fait mettre un vélo électrique à la disposition de l'un des salariés habitant le bas-Lormont. Christophe Lairat se souvient en souriant que le plus difficile à convaincre des vertus de cette gouvernance « ouverte » furent certains collaborateurs de l'entreprise qui avaient un peu de mal à sortir de leurs habitudes.


Cette vision de l'entreprise porte d'ailleurs un nom : l'holacratie (lien wikipédia), qui capitalise sur l'intelligence collective. C'est aussi une méthode que le dirigeant du jour formalise et met en œuvre depuis près d'un an au sein de sa structure : « la décision est commune. Je reste le gérant mais mon rôle est de guider le collectif, de tirer les sonnettes d'alarmes mais sans prendre de prérogatives abusives ».


Quand on le questionne sur le choix de la forme juridique de la société qu'il dirige, Christophe Lairat avoue avoir choisi l'EURL, puis la SARL un peu par défaut, « parce que c'était la solution la plus pratique ». « Et les SCOP ? », lui demande-t-on, étonné qu'il n'ait pas adopté cette forme juridique ouverte et coopérative. Il admet alors que ni son associé ni lui-même ne se sentent près à franchir le pas du partage total des pouvoirs et des responsabilités qu'implique le statut coopératif. Plus tard, peut-être ? Quoi qu'il en soit, rajoute-t-il, la forme juridique d'une entreprise, quelle qu'elle soit, n'est pas un obstacle à la mise en oeuvre de nouvelles formes de gouvernance et de management.

Christophe Lairat